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mardi 22 août 2017

Véganisme et nutrition




Véganisme et nutrition



         Je voudrais réagir à une interview dans la Libre Belgique du 19 et 20 août 2017 du nutritionniste Serge Pieters, intitulée : « Le véganisme porte un risque de carences alimentaires ». Les deux journalistes qui ont interviewé ce nutritionniste, Dorian de Meeüs et Jonas Legge posent d'emblée une question : « Refuser de manger de la viande et du boire du lait, est-ce dangereux pour la santé ? ». Et puis quelques questions complètement orientées : « Quels sont les risques liés au véganisme ? Les véganes ont-ils accès à une grande diversité de nourriture ? Un enfant peut-il en mourir ? » Vive l'objectivité dans le journalisme ! Inutile de ménager le suspense : tout l'article est une succession de demi-vérités associées à de franches contre-vérités pour renforcer la peur à l'égard du régime végane. Essayons de passer en revue tous ces propos douteux et de leur opposer un argumentaire sérieux. C'est important de le faire car la tendance lourde du moment est de tenter de disqualifier le véganisme sur cette base de la santé, puisqu'il apparaît clairement que les élevages industriels et les abattoirs font sur le plan éthique quelque chose de mal. Évidemment, c'est une farce sordide quand on connaît tous les problèmes de santé liés à la consommation de la viande.



      Je précise enfin que je ne suis pas nutritionniste. C'est pourquoi mes propos dérivent directement de conférences de nutritionnistes et de pages internet consacrées à la nutrition végane, pages dotées d'une bibliographie scientifique. Je ne me permettrais pas d'inventer mes propres théories sur le sujet. On trouvera les liens vers ces articles et ces vidéos en bas de mon texte. J'encourage quiconque s'intéresse au sujet à aller regarder en détail ces articles et ces vidéos, car ils sont produits par des gens beaucoup plus compétents que moi sur le sujet. Ce présent article n'est jamais qu'un résumé de ces articles et de ces vidéos.




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       Serge Pieters commence son interview anti-végane avec le thème très classiques des « carences ». Première affirmation où il mélange allégrement le vrai et le faux : « La carence qui va arriver le plus rapidement est celle en vitamines B12 qui sont généralement contenues dans les produits d'origine animale ». Il est vrai que les véganes risquent de se retrouver carencé en vitamine B12, mais ce n'est pas du tout une fatalité : il suffit de se supplémenter en vitamine B12 qu'on peut acheter dans des pharmacies ou des magasins véganes. La très grande majorité des véganes sont conscients de cette question de la B12. On trouve même des sites véganes comme « Vive la B12 » sur internet, et de fréquentes recommandations sur les pages « nutrition » des principaux sites véganes. Certains véganes refusent pourtant de se supplémenter, estimant que la B12 est un faux problème. Néanmoins, la tendance générale dans les milieux véganes est à reconnaître qu'il est plus prudent de ne pas passer à côté de cette supplémentation.


        Cela dit, Serge Pieters raconte des bêtises quand il dit que c'est la carence qui va arriver le plus rapidement, tout simplement parce que les effets de cette carence prennent cinq, voire dix avant que cette carence ne devienne manifeste. Seconde bêtise toujours dans cette première phrase : la vitamine B12 viendrait des produits animaux. C'est complètement faux : la B12 est d'origine bactérienne, la cyanocobalamine en l'occurrence. Il est vrai que cette cyanocobalamine trouve un terrain favorable dans l'intestin des vaches et des ruminants, mais des vaches qui n'auraient pas d'accès à des pâturages (ce qui est le cas pour les vaches élevées dans les élevages industriels) ne peuvent pas ingérer de ces bactéries et sont donc en manque de vitamine B12. Il en découle que la grande majorité de la production de vitamine B12 dans le monde est destinée aux animaux et aux vaches qui vivent (l'enfer) dans les élevages industriels.




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       Le nutritionniste Serge Pieters parle ensuite de carences qu'il reconnaît être « éventuelles » en oméga-3. Il faut savoir qu'en-dehors des poissons, on trouve des oméga-3 dans le règne végétal : dans l’huile de colza, l'huile de lin ou l'huile de noix. Mais aussi les noix, les graines de lin ou les graines de chia. Il y a le problème de l'équilibre entre oméga-6 et oméga-3. Beaucoup de véganes sont en déséquilibre à ce niveau-là, mais tout comme d'ailleurs la majorité des omnivores ! Il y a par ailleurs tout-à-fait moyen de trouver des compléments d'oméga-3 avec des gélules produites à partir de l'huile de micro-algues.


      Le nutritionniste parle enfin de la carence en fer. Il reconnaît néanmoins qu'on en trouve dans les lentilles. Mais pas seulement ! Dans les haricots secs, les épinards, les abricots secs, le chocolat noir, les céréales de type muesli, les flocons d'avoine, etc... (Voir le tableau sur la page « fer » de l'Association Végétarienne de France). Il y a aussi la question complexe de la proportion de fer héminique et de fer non-héminique. Pour faire très bref, la viande contient plus de fer héminique qui est, en moyenne, mieux absorbé par le corps. Néanmoins, le fer non-héminique peut bien subvenir aux besoins du corps, surtout si le corps dispose de beaucoup de vitamine C (ce qui est souvent le cas chez les véganes). Il semblerait que le corps des véganes absorbe mieux le fer contenu dans les plats végétaux que les omnivores. Ajoutons à cela que le fer héminique très présent dans la viande n'est pas très bon pour la santé et qu'il est un facteur lié au cancer colorectal, cancer de l’estomac et cancer de l’œsophage...




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     On en vient alors à la question des protéines dont l'imagerie populaire a contribué à forger l'idée du végane maigre et rachitique, complètement privé de ces protéines. Il n'en est rien évidemment : on trouve des protéines à foison dans le monde végétal. Serge Pieters ne tombe pas dans le panneau – ce serait trop grossier - mais estime que les protéines végétales sont de moindre qualité et qu'elles ne sont pas complètes. Pour qu'une protéine soit complète, il faut qu'elle possède tous les acides aminés essentiels. Or de nombreuses plantes comme le soja, le quinoa ou les légumineuses procurent ces acides aminés essentiels.


        Notons qu'effectivement, il y a un léger avantage en faveur des protéines animales puisque celles-ci ont une répartition entre acides aminés qui ressemblent plus à la répartition des acides aminés dont les humains ont besoin pour fabriquer des protéines au sein des cellules. Mais ce léger avantage est d'abord contrebalancé par le fait qu'en Occident, tout le monde mange en excès des protéines, que ce soit les omnivores, les végétariens et même les véganes. Ensuite, les protéines végétales sont meilleures pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires. Enfin, des études récentes sur des sportifs montrent que les protéines végétales sont aussi efficaces pour la prise de muscle que les protéines animales. La conclusion est qu'il faut abandonner ce mythe des protéines : les véganes n'ont pas de carence en protéine. Il faut aussi abandonner le mythe qui dit qu'il faut impérativement associer des céréales et des légumineuses dans le même repas. Ce n'est pas une obligation absolue (même si c'est toujours mieux de diversifier ses aliments tant d'un point de vue nutritionnel que d'un point de vue gastronomique).


      Ensuite les journalistes posent une question très orientée : « Que risque un adulte végane qui ne prendrait pas ces compléments nutritionnels ? ». La question est très orientée parce que le seul complément nécessaire est la vitamine B12 (en très petite quantité). La seule alimentation végane pourvoit largement en protéines. Mais cela n'empêche pas le nutritionniste de dresser un tableau apocalyptique du végane en carence de protéines : diminution de l'immunité, maladie, fonte des muscles, etc... C'est malhonnête parce que cette carence grave en protéines ne s'observe quasiment jamais en Occident où les gens mangent à leur faim et sont même généralement en surpoids. Il n'y a que des personnes anorexiques ou des top-modèles qui recherchent la maigreur extrême qui peuvent avoir ce genre de problèmes. Le problème pour les Occidentaux, et les véganes sont ici logés à la même enseigne que les omnivores, est l'excès de protéines, qui n'est pas très bon non plus pour la santé.




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       Ensuite, Serge Pieters évoque les dangers du véganisme pour les enfants en bas âge et les personnes âgées. Il dit : « Récemment encore, un jeune enfant, dont les adeptes du véganisme, est mort suite à un mauvais rapport alimentaire ». Là encore, c'est complètement malhonnête : il fait référence au décès tragique d'un bébé en 2014 à Beveren, or les parents de l'enfant n'étaient pas du tout véganes ! Constatant que l'enfant était allergique au lait de vache, ces parents ont donné du lait végétal pour adultes à cet enfant, sans consulter de médecin. Or les bébés doivent être nourris avec un lait spécifique pour bébés, que ce soit du lait de vache ou du lait végétal. Le problème était en l'occurrence un problème d'auto-médication et de refus de la médecine traditionnelle, qui a mené à des conséquences tragiques. Mais on n'a tout mis sur le compte de véganes de manière assez commode.


         Maintenant sur la question d'employer un régime végane aux différents âges de la vie, la position de l'Académie américaine de Nutrition et de Diététique affirme sans ambiguïté aucune : « La position de l'Académie de Nutrition et de Diététique est que les régimes végétariens appropriés, y compris le véganisme, sont d'un point de vue nutritionnel adéquats et peut procurer des bénéfices pour la santé dans le traitement de certaines maladies. Ces régimes sont appropriés à tous les stades de la vie, ce qui inclut la grossesse, l'allaitement, la prime enfance, l'enfance, l'adolescence, l'âge adulte, ainsi que pour les athlètes » (décembre 2016). On ne saurait pas être plus clair.


      Tout l'interview se résume à l'idée d'essayer d'instiller la peur, et notamment en frappant ce qui nous est le plus cher, les enfants. Il parle des hôpitaux où on doit « régulièrement » réalimenter des enfants qui sont dans le même état que des enfants du tiers-monde, sans être plus précis que cela. Il dit que les parents véganes sont « des apprentis-sorciers » avec leurs enfants et qu'il faut dénoncer les risques réels du véganisme. Il dit qu'on ne trouve pas d'information fiable sur le véganisme sur les blogs et les sites véganes. C'est faux. Le problème est aussi que monsieur Pieters n'a pas l'air lui-même très informé sur le sujet. Il véhicule sans réfléchir les idées reçues et ne prend même pas en compte les rapports scientifiques produits par ses collègues américains notamment.


       Serge Pieters n'avoue qu'à demi-mot les avantages (bien réels) du véganisme, notamment sur la question du diabète, et encore, en essayant de nuancer. Il serait juste aussi qu'on mentionne les autres avantages d'un régime végane par rapport aux problématiques cardio-vasculaires et à la prévention de certains cancers. Mais on a compris à ce stade que l'intention n'est pas de fournir une information objective, mais bien de créer la peur, de répandre cette peur au sein de la population, puisque l'argumentation éthique est en train de tourner en défaveur des mangeurs de viande.



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      L'interview continue en évoquant le lait de vache. Serge Pieters donne une raison fallacieuse pour justifier de manière éthique le refus du lait de vache ou de chèvre. Il invoque une volonté de retour à nos origines paléolithiques. Aucun penseur de l'antispécisme, un tant soit peu important et sérieux, n'évoque ce genre d'arguments risibles. Si les véganes refusent le lait de vache, c'est parce que la production de ce lait suppose d'écarter la maman-vache de son veau à la naissance, ce qui est la cause d'une souffrance horrible tant pour la vache que pour le veau. Le veau est la plupart du temps envoyé à l'abattoir.


      Pour éviter cela, il convient d'éviter le lait de vaches, et de préférer les laits végétaux comme le lait de soja, le lait de riz, le lait d'amande, le lait d'avoine, etc... C'est plus anecdotique, mais monsieur Pieters s'insurge contre cette appellation de « lait » pour les laits végétaux. À la base, le lait est la substance produite par une femelle mammifère pour ses petits. Mais du fait de la proximité de texture et de goût avec le lait de vache, on donne le nom de « lait » à ces substances végétales. Cela ne m'apparaît pas du tout être un gros problème. Je rappellerais juste à monsieur Pieters que ce genre d'abus de langage existe aussi dans l'autre sens : on parle de « fruits de mer » pour désigner les huîtres, les moules, les crustacés... Aucune de ces « fruits de mer » ne pousse à ma connaissance sur des arbres ou même sur des algues....




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        À la toute fin de l'article, les journalistes se demandent si les véganes ne sont pas des extrémistes relevant d'une « idéologie sectaire ». Serge Pieters dénonce les « véganes virulents » qui sont « extrémistes dans leur démarche ». Néanmoins : « D'autres véganes comprennent bien que des gens mangent de la viande et ne vont pas chercher à imposer leur idéologie ». Il existe toutes sortes de véganes qui sont plus ou moins prosélytes, plus ou moins engagés, plus ou moins discrets, plus ou moins compréhensifs envers les omnivores, plus ou moins révoltés par l'exploitation animale. Monsieur Pieters pense que le seul bon végane est celui qui ne se fait pas remarquer, qui ne fait pas de vague et, surtout, qui ne va pas critiquer le mangeur de viande. Mais en réalité, si vous êtes végane pour des raisons éthiques, tout votre régime alimentaire est une condamnation de l'exploitation animale sordide. La consommation de la viande et des produits animaux est indéfendable d'un point de vue moral, d'une point de vue écologique et d'un point de vue humanitaire. Et même sur le plan de la santé, la consommation de la viande est loin d'être une chose extra-ordinaire... Autant de raisons de sortir de ce modèle dominant !




Frédéric Leblanc, le 22 août 2017.








L'équilibre idéal dans l'alimentation végane
(Source : Vegan Pratique









Vitamines B12 :

Vive la B12


Ce que tout végane doit savoir sur la vitamine B12 :


D'où vient la vitamine B12 ?


Les animaux-emballages (sur la production de B12 à destination de l'élevage)



Et la version longue du même article







Oméga-3


La question des oméga 3 sur Vegan Pratique (avec une bibliographie) :


Les oméga 3 sur PEA (avec une bibliographie) :






Le fer

Le fer (Végan Pratique)


Le fer végétal serait préférable au fer animal



Le fer (Association Végétarienne de France) – avec un tableau de tous les aliments végétaux contenant du fer et leur taux de présence





Les protéines

Le mythe des protéines animales (Jérôme Bernard-Pellet)


Le mythe de la complémentarité des protéines


Le mythe de la supériorité des protéines animales



Les protéines végétales sont aussi performantes que les protéines animales



Mythes des protéines (conférence du professeur Massimo Nespolo)


Les protéines (Vegan Pratique)








Bébés et laits végétaux


L'affaire du bébé décédé à Beveren en Flandres et la question des laits végétaux



Position de l'Académie américaine de Nutrition et de Diététique





« Merci, les bébés véganes vont bien » de Gurren Vegan



Véganisme et âge de la vie (Vegan Pratique)






Le nutritionniste Jérôme Bernard-Pellet (spécialiste du végétarisme et du véganisme)


Le mythe des protéines animales




Bébé végane





Question des carences




Vitamine D




Dangers supposés du soja



Bienfaits d'une alimentation végane




Mode de vie végane : destruction des mythes et des préjugés

















Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la libération animale ici.


Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici




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